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Pitgam. Dans l'état ci-dessus on peut voir que
la plupart des terres appartenaient au clergé. Il en était
à peu près de même partout sous l'ancien régime et
les congrégations étaient tellement nombreuses dans
les campagnes, qu'on ne pouvait faire une demi-lieue
sans rencontrer sur son chemin un couvent ou une
abbaye.
La Révolution voulait, supprimer les abus. Elle
supprima les moines avec l'idée d'améliorer le sort
des curés et des vicaires.
Si les choses avaient été bien comprises et si cer-
tains énergumènes n'avaient pas, par leurs théories
subversives et sanglantes, dépassé plus tard le but
que visait la Constituante, le simple curé de village
devait toucher - indépendamment du logement au
presbytère, jardin, casuel, etc... - douze cents livres
par année. Pour l'époque c'était plus que l'aisance et
le prêtre ainsi rétribué se trouvait à l'abri des
besoins matériels de l'existence. Il y gagnait en indé-
pendance et en dignité.
Malheureusement le haut clergé s'interposa et fut
hostile au projet. Les choses tournèrent à l'aigu avec
l'évêque d'Autun qui le premier osa dire en pleine
assemblée « que le clergé n'était pas propriétaire com-
les autres propriétaires.» Mirabeau le soutint en
disant « que la propriété était à la Nation.»
L'Assemblée possédait parmi ses membres des
légistes et des avocats qui finirent par convaincre
les autres députés et prouver que le « clergé n'était
pas propriétaire » qu'il n'était pas possesseur - le
droit ecclésiastique lui interdisant de posséder des
   
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biens - qu'il ne pouvait mème pas être usufruitier,
mais simplement dépositaire ou administrateur.
Et les choses se gatèrent tellement que le haut
clergé,joua, sans s'en douter, le rôle de dupe si bien
dépeint par La Fontaine dans l'Huître et les Plaideurs:
«Tenez, la Cour sous donne à chacun une écaille,
Sans dépens ; et qu'en paix chacun chez soi s'en aille».
L'Huître du clergé, bien grasse et succulente,
fut avalée sans peine par la nation. C'est ainsi
que s'accomplit l'œuvre d'émancipation sociale dans
les campagnes.Ce fut là le résultat du travail des siè-
cles, des idées nées dans les bas-fonds obscurs des
classes rurales ; le retour de la terre au bourgeois,
au paysan, à l'ouvrier, à tout le monde ; le mariage
de la terre avec celui qui la travaille, qui la fertilise
ou la fait fructiter. Et il en est ainsi des destinées de
l'homme tout change sans espoir d'un retour au
passé marcher, marcher toujours, sans regarder
derrière le chemin parcouru...
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