Pitgam |
Racontée par André Vermersch, retraité de la SNCF, meunier et historien local et aussi parue dans le journal la Voix du Nord. En des temps lointains, un certain Carl Wische, sonneur de l’église et fossoyeur du cimetière, un vieux bonhomme, grincheux mais très malin avait un bien doux projet : épouser la fille du maréchal-ferrant, mais ses rhumatismes et sa virilité défaillante lui causait bien des soucis: comment séduire la demoiselle dans cet état ? Un soir de Noël, alors qu’il s’apprête à carillonner pour inviter les paroissiens à assister à la messe de minuit, Carl voit venir vers lui un charmant jeune homme au visage rieur. Ils commencent à discuter et notre ami Carl lui raconte son projet d'épousaille et les difficultés qu'il rencontre, ce n'est rien lui dit le beau jeune homme, je peux arranger cela... Je suis le diable, tu me donnes ton âme et je te donne dix ans de virilité retrouvée tu pourras ainsi épouser la demoiselle de tes rêves. Carl n'hésite pas, il signe le contrat dans le grand calepin que le diable lui présente. Aussitôt il demande la fille du maréchal ferrant en mariage et durant dix ans, il mène avec son épouse une vie joyeuse et sans souci. Mai dix ans passent vite et le soir de la dixième nuit de Noël, alors qu’il se rend à l’église pour assister à la messe de minuit, le diable vint réclamer son dû. L’honnêteté n’étant visiblement pas le fort de notre luron, il esquive la réclamation : « Vous devez faire erreur, seulement neuf ans se sont écoulés. » Le démon, qui sait compter jusqu’à dix et déteste qu’on le prenne pour un imbécile, soupire et exhibe le carnet : « Faux, c’est écrit !» Carl Wische ne se démonte pas : « Je suis vieux, ma vue n’est plus très bonne. Puis-je vous l’emprunter pour le lire à la lumière des bougies à l’entrée de l’église ? » Le diable, qu’on a connu plus méfiant au cours de sa longue carrière, accepte. Carl Wische se précipite vers l’église et jette dans le bénitier le calepin, qui s’enflamme au contact de l’eau consacrée. Dupé et rouge de colère Satan frappe le sol avec son pied crochu. Si fort que la terre s’ouvre pour l’engloutir et donner naissance à une mare sans fond, appelée depuis la mare, le trou ou le puits du diable. Un puits sans fond Au risque d’incarner le rabat-joie de service, le trou du diable est plus probablement un puits creusé par les habitants. Lorsqu’il était sondé, il avait la réputation d’être sans fond car on ne trouvait ni vase ni argile. Mais en fait, Pitgam et ses environs regorgent de sources naturelles, héritage du bras de mer qui allait jusque-là lors des premiers siècles de notre ère et des marais qui lui succédèrent. Une aure légende,le corsaire Jean Bart aurait fait boire son cheval dans la mare de Pitgam à la fin du XVIIe siècle, en allant rendre visite à son oncle, le curé de Drincham. Comme son nom l’indique, à Pitgam (de « pet », puits et « gam », hameau en flamand), la légende fait partie intégrante du village. C’est comme la poule et l’oeuf, on ne sait qui a créé l’autre. Reste la belle histoire, apte à effrayer les enfants les plus bravaches. Le bon sens populaire n’a pas inventé mieux pour éloigner la marmaille imprudente : « Ne t’approche pas de la mare sinon le diable va t’attirer au fond avec ses pattes crochues ! » . ![]() ![]() |