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Cette missive, contient une page curieuse des mœurs
militaires d'alors. Nous l'avons trouvée dans un re-
cueil de notes de feu M. Bonvarlet.

On devine en lisant l'intérêt que le curé portait
à ses ouailles. Cette description si naturelle et simple
du passage des fils d'Albion et cette demande de
contribution gracieuse aux charges de la paroisse,
nous fait supposer qu'à cette époque Pitgam avait
à sa tête, un pasteur digne et soucieux du troupeau
confié à sa garde.

Pitgam, le dernier de Septembre (1661).


Madame,
»Je ne doute pas que vous avez grandement res-
sentie le malheur, de v(os)tre village, lequel nous a
causé ce misérable barbare et damnée nation an-
gloise venant le 19e jour de septembre en des habits
de moutons, passants à travers du village pour aller
à Drincham et au retouront esté des loups enragés
et affamés de sang et de chair humaine, tuants tout
ce qu'ils ont rencontré sans avoir égard à personne.
Pr de Meir est tué, aussi Jean Vanden Broucke,
avec encoir une fille, Videlaine ast recheu 14 bles-
sures, mes il guerry quelque peu, la femme de Jean
Lambert blessé, Pr Verquerne, la sœur de Veuder,
le fils de Petit Mailliaert et autres à la mort, un
homme brulé en la maison de Michel Lutsen, finale-
ment grand murdre et masacro tellement quainsy
traictant le pauvre peuple, un chacqu'un a pris la
fuite, abandonnant tous les biens pour sauver la

                                                                                             

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vie, ils ont donc pillé la place, amenant toutes les
bestes et après le pillage ont mis le feu dedans la
dite place du côté de la maison de ville et toute la
rangé est, brullé jusques la maison de Pierre Devos,
de là sont venus dedans nostre église, ont ronpu
et profané toutes les images aultels,ils ont tiré après
l'image de la Vierge, ils ont pris le Vénérable, se
moequant avec les sainctes hosties, disant et blas-
phémant en ceste forme : Dieu si vous este la dedans
»parle et monstre le nous.... (sic) et moy avec le
chapelain estions dessus la tourre plus morts que
vive, comme je vous laisse à considérer. Il y sont
venue chez nous comme loups et bêtes faroches,
le bracques dessus nostre teste, les pistoles et
fusicques beudée dans la poinetrine nous devestant
et voulant que nous eussions nié la foy,mais louange
à Dieu de la constance qu'il nous at donné et la
saincte mère, laquelle est vrayment auxiliatrice des
chrestiens,tandis donc que estions en un tel ecqui-
page et mains de ces voleurs, ils ont asperchu la
flamme du feu qu'il bruloit desja en la tourre sont
de peur du dict feu descendre,nous quittant,et nous
sommes aussi en allé en bas, ne scassant comment,
et comme sauvés à travers la maison du coustre,
tirant après nous sortant de l'Eglise et sommes
entré dans un fossé couvert de ronches et ainsy
échappé de leurs mains tiranniques, voiant bruler
nostre pauvre Eglise et la place, je vous laisse à
considérer la misère et la perplexité en laquelle
nous estions, ma maison et celle du chapelain et
coustre sont aussy brulé tellement qu'en telle Vil-
lage a souffert tant de frets et dépens pour se main-
tenir est entièrement ruisné et une grande partie

                                                                                              

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