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le fardeau des fautes commises, par les règnes précé-
dents et à soulager les souffrances d'un pays ruiné
par la famine et les guerres malheureuses.

Son intention au début n'était pas de fonder une
assemblée nationale : non, et ce n'est que grâce à la
force de caractère, au patriotisme de nos anciens
députés qui surent maintenir le pouvoir législatif entre
leurs mains que les réformes purent, s'accomplir. Sans
eux, sans leur courage héroïque, la grande révolution.
si nécessaire et si utile au peuple,avortait comme une
vulgaire émeute.

Louis XVI, sur l'avis de ses ministres, convoqua
les Etats généraux pour le 27 avril et en conformité
de cette ordonnance le Bailli de Bailleul fit réunir les
délégués des trois ordres pour nommer leurs députés,
ce qui fut fait le 7 mars 1789 en fixant cette date au
30 du mois. De plus, chaque ordre fut invité à rédiger
son cahier de doléances.

Dans les archives de la plupart de nos villages, il
n'existe pas de documents plus curieux et plus poi-
gnant, que ces cahiers où semblent, consignées toutes
les souffrances passées et tout ce qui constitue les
humiliations, les abus administratifs et judiciaires de
la vie d'autrefois.Rien de plus triste et de plus navrant
que ces humbles feuilles de gros papier, reprodui-
sant,avec leurs fautes de français,leurs termes simples
et naïfs sentant le terroir, les revendications, d'un
peuple longtemps esclave qui veut rompre avec l'an-
cien ordre des choses pour devenir libre et maître
de sa destinée.

La plupart de ces cahiers furent rédigés dans les                                                                                           

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maisons communes, les hôtels de ville, les maisons
de loy. chapelles, voir dans les cabarets.

Ces témoignages sont simples et fermes à la fois.
Ils expriment à peu de chose près, les desiderata des
villages de la Flandre Maritime, ils sont en même
les modestes interprêtes de leur souffrances,
le miroir exacte de leur état d'âme avec l'espoir de
voir des jours meilleurs.

Afin de donner au lecteur une idée de ce qui se
dans nos communes à la veille de cette grande
crise sociale, reportons-nous par la pensée vers cette
lointaine époque où, dans chaque village les paysans
les bourgeois furent appelés par les baillys à for-
muler leurs voeux.

C'était un dimanche, la campagne était belle et le
vieux coq sur le clocher avait parfois des lueurs d'or.
Les cloches sonnaient comme pour une fête de Pâques
ou de la Pentecôte. La place de Pitgam était animée
dans, l'attente d'un grand événement. Au loin les
glèbes seigneurales, la plupart en prairies, donnaient
des clairs contours au vieux village, qui avec ses toits
roux, sa rustique église semblait sortir comme un
flot d'une mer de verdure.

Mars lançait ses premiers rayons de soleil, et, dans
l'immensité des plaines, les seigles ondulaient déjà
sous la brise printanière. Tout fleurissait dans une
lumière douce et caressante ; les tiges frêles du blé,
cette manne éternelle, commençaient à pointer sur
le fond gris des terres, acccomplissant ainsi son œuvre
extra féconde pour le plus grand besoin des hommes.

                                                                                               

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