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des marais salants à Pitgam dont les terres basses subirent de nouveau des inondations lors des deux guerres mondiales.
On comptait naguère à Pitgam de nombreuses sources au bas des vallonnements. Toutes ont disparu, leurs eaux
absorbées par les réseaux de drainage ne voient plus le jour.
Notons encore une curiosité: un watergang, le Drincham Gracht, passe en siphon sous un autre, le Deullard, pour
se déverser dans le Houtgracht.
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La mare et sa légende
La mare de Pitgam appartenait jadis à la famille Palmaert.
Elle a été vendue aux enchères publiques à M. Stevenoot pour la somme de 977 francs. Les descendants de cette
famille ont voulu en faire don à la commune pour ne plus avoir à en assurer l'entretien. Cette donation
n'ayant pas été acceptée par l'autorité de tutelle, elle a été vendue à la commune pour le franc symbolique,
après la guerre 1939- 1945.
L'eau de la mare a servi pendant des générations à faire de la bière. Elle était claire; son niveau était
constant. Un drain l'alimentait en eau de source, un autre évacuait le trop plein, en pente douce vers le
Deullard.
Par beau temps on y voyait des bandes de gardons nageant entre les nénuphars. D'autres poissons tels que carpes, tanches,
brèmes, perches s'y multipliaient. Il était interdit d'y pêcher.
Aujourd'hui elle est polluée, glauque. Paradoxalement, c'est en installant le collecteur des eaux usées qui débouche à
la station d'épuration que le système d'alimentation en eau de source a été sectionné.
La mare de Pitgam a sa légende. Je vous la narre brièvement. Dans la féodalité, le suzerain s'attribuait,
disait-on, le droit de passer la première nuit de noces avec l'épouse d'un de ses serfs. Celui dont il est
question tenait à cette prérogative. Cela dura très longtemps, très longtemps jusqu'au jour
   
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où il sait senti défaillir. Il en souffrit beaucoup mais n'en fit pas moins sa promenade quotidienne à cheval, au petit
trot jusqu'à la forêt proche.
Le diable qui a le don d'ubiquité, se mit un jour en son chemin et s'offrit à lui venir en aide. Moyennant dix ans de sa vie,
il lui propose de lui rendre sa virilité jusqu'à l'heure de sa mort. Topez là et signez, dit-il, en tendant deux parchemins.
Le héros de l'aventure, topa et signa, les yeux fermés. Ayant rouvert les paupières sans rien y comprendre, il se trouva en
selle comme pulsé par un ressort.
Et le cheval partit à une allure époustouflante comme si une main invisible tenait les rênes, laissant pantois et sans voix
ceux qui s'écartaient prudemment au passage.
Et la vie reprit de plus belle, et chacun de s'interroger. Aux yeux de tous, le puissant personnage n'était ni plus, ni moins
qu'un miraculé.
Le plus intrigué fut son précepteur. A ses yeux seule une intervention divine pouvait être à l'origine d'un tel changement.
Lui qui s'était retiré du monde sur la pointe des pieds afin d'obtenir la rémission de ses péchés voulut en avoir le coeur
net. Il se planta derrière un arbre sur le passage que suivait régulièrement le puissant seigneur et l'entendant venir au
martèlement des sabots de sa monture, il se campa devant lui au milieu du chemin.
Surpris, le cavalier s'arrêta net devant ce qui lui semblait être un prêtre.
L'homme à la barrette délavée, à la soutane élimée, ouverte faute de boutons, déclina son identité.
Les mains se serrèrent avec autant de force que de joie. Tous deux étaient heureux de se revoir après plus d'un
   
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