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atteindre que les serfs, domestiques ou serviteurs
d'un domaine.

L'organisation religieuse supprima du même coup
la division primitive des campagnes en domaines
particuliers appelés villae ou villa. Du mot villa
on fit celui de village, qui devint bientôt la paroisse
avec son église et son curé.

Au début du Xe siècle, les paroisses n'étaient pas
ce qu'elles furent dans la suite et leurs maigres reve-
nus ne leur permirent pas toujours de faire face aux
dépenses les plus urgentes pour l'entretien du culte.
Alors les habitants de la paroisse s'associaient, entre
eux, se cotisaient et formaient ce qu'on appelait une
communauté.

La Commune tirerait de là son origine et cette
intervention du paysan dans la gestion des affaires
de l'église sera le point de départ de toute l'adminis-
tration rurale au moyen-âge.

Il en fut de même de la justice. Les juges des
premiers tribunaux furent souvent des ecclésiasti-
ques. Ces tribunaux qui prirent le nom d'officiae
s'occupèrent d'abord des affaires religieuses, du
culte en général, de la discipline du clergé, de la sur-
veillance des mœurs au point de vue religieux, des
hérésies et autres faits relatifs aux croyances.

Comme ces tribunaux possédaient des juges plus
instruits et plus indulgents, surtout pour les choses
étrangères au culte, la plupart des laïcs s'adressèrent
directement à eux pour trancher leurs différends. Ils
étaient composés de prêtres ayant étudié le droit, en
même temps que la théologie et se transportaient de

                                                                                            

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village en village sur la demande des intéressés qui,
d'avance, s'engageaient à s'en rapporter à leur déci-
sion. Cette justice était plus expéditive que l'autre et
coûtait moins cher aux plaignants. Il va sans dire
que la justice laïque et l'official se regardèrent long-
temps, comme on dit vulgairement en chiens de
faïence, l'une n'osant critiquer ce qu'elle trouvait
mauvais dans l'autre. La justice laïque conservait
encore quelque chose de barbare et se montrait par-
fois dure et inhumaine pour les petits et les hum-
bles. Quant à celle des prêtres, elle avait des trésors
d'indulgence pour les peccadilles et les fautes légères,
tandis qu'elle se montrait presque aussi cruelle que
l'autre lorsqu'il s'agissait de défendre le dogme.

Comme conclusion, nous pourrions dire aux juges
ecclésiastiques : « Ne jugez point si vous ne voulez
pas être jugés. »


Quant aux juges laïcs nous nous contenterons de
citer ces vers sur lesquels ils auraient bien fait de
méditer :

Juge selon le droit, si tu juges.
Heureux est qui ne juge point !
Pensez-y bien, Messieurs les juges,
Juger autrui, c'est un grand point.




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