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robustes, ses fillettes joufflues et roses, comme des
fleurs de jeune chair.
Les villages alors se dépeuplent et tous les efforts
pour fixer l'homme à la terre restent vains. Nous
croyons qu'il est grand temps de réagir contre cette
émigration vers les gouffres qu'on appelle Villes
industrielles ». Pour cela, il faudrait arriver à pouvoir
mettre en pratique les idées généreuses du docteur
Lancry et de l'abbé Lemire et assurer pour toujours
à l'honnête et laborieux ouvrier des champs, la mai-
sonnette toute blanche sur le petit lopin de terre.
Le petit champ Dit kleyne en goed beetje land,
- comme disent, les humbles rentiers -- les petits
fermiers reliés dans une censelette, vivant du fruit
de longues et dures épargnes ! Oui, pouvoir dans ses
derniers jours avoir un champ à soi, une petite pièce
de terre Eene Kleyne stukje land qui donnera du blé,
de l'herbe, permettra de tenir une vache, quelques
poules... dont le produit aidera les vieux à vivre
et les dispensera des humilations sans nombre
qu'éprouvent ceux qui se font inscrire à la table des
pauvres.
Le champ et la maison, n'est-ce pas là le bonheur
rêvé des fiancés ruraux qui se mettent en ménage, de
ceux que la fortune n'a pas favorisés dès le berceau
et qui hésitent parfois à fonder une famille par crainte
de l'avenir.
***
Parmi les gens du Nord que l'Académie Française
a récompensés dans sa dernière séance solennelle,
 
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ne voit-on pas d'humbles ouvriers de Millam et de
Cappellebrouck obtenir des prix de vertu. Ce qui
prouve que dans notre vieille Flandre il existe encore
une production d'énergie qu'on trouverait difficile-
ment ailleurs. Le Flamand est courageux et économe
et sa vie, la plupart du temps, surtout lorsqu'il n'est
pas né dans une situation aisée, est faite de travaux
continuels et de longues privations.
« M et Mme Verryser, dit M. Maurice Barrès, dans
son admirable discours, - de la commune de Millan
- ont eu dix-neuf enfants, tous vivants. M. et Mme
Destéral - de la commune de Cappellebrouck - ont
eu vingt et un enfants dont dix sept survivent. Plusieurs
des petits Verryser et Desteirat sont déjà ouvriers ou
soldats. Tous honnêtes, laborieux, respectueux de
leurs parents. On m'assure que les pères de cette
marmaille vigoureuse n'ont jamais gagné plus de
deux francs par jour en moyenne ! C'est, vous dire si
les mères sont, des saintes et des héroïnes ; jamais
nous n'honorerons assez les obscurs sacrifices dont
leurs vies sont faites. Ces braves gens jouissent d'une
sorte de renommée villageoise, car c'est encore là-
bas, cette vieille Flandre où l'on peut lire dans les
cimetières sur les tombes d'antiques époux, ce titre
de gloire :« Ils procréèrent en légitime mariage et
firent baptiser tant de fils et tant de filles ».
« Voilà des ouvriers ruraux des Flamands français,
vaillants et pauvres, ayant supporté sans se plaindre
le fardeau d'une longue et lourde vie. Leurs vertus
ne sont pas de celles qui surprennent et forcent l'ad-
miration ; elles n'ont rien de romanesque ou même
de pittoresque ; elles n'attendrissent pas, mais elles
 
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