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renferment de la force au sens antique du mot
«Virtus ». A cette heure, qui méconnaitrait la beauté
simple de ces vies attachées de tout près au sol natal
et qui servent la société. dans l'humilité et le silence?
L'Académie fait aujourd'hui ce que n'ont pu obtenir
de l'Etat les efforts de nombreuses ligues contre la
dépopulation. Elle honore la vertu dans les pères et
les mères de famille. Nous inscrivons en tête de notre
palmarès, ces deux médailles de 300 francs, que justi-
fient, certes, les circonstances sociales. Trop faible
somme à mon gré, mais d'importance dans ces
pauvres ménages. Qu'en feront-ils ! Le plan est déjà
tiré. Vous êtes assez ruraux, Messieurs, pour l'avoir
deviné ; on achètera une vache. Puisse-t-elle, cette
bête académique, réjouir et bien servir ces honnêtes
travailleurs ».
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Le « Homestead » français
Aux élections législatives de 1906, M. Ribot déve-
loppant son programme électoral, disait hardiment;
« Laissez-moi m'étonner qu'on ramène tout en ce
moment à cette idée d'assurer à l'ouvrier une retraite.
Certes, je veux qu'on garantisse, aussi largement que
possible. la sécurité des derniers jours de l'ouvrier,
mais la vieillesse n'est pas tout dans une nation. Ce
qu'il faut protéger surtout, c'est l'acte créateur de la
famille. Ce n'est pas à soixante ans qu'un citoyen est
le plus intéressant, c'est à vingt-trois ou vingt-cinq
ans, quand il songe à se marier. Lui assurer, à cet
âge critique de sa vie, un foyer avec un champ ou un
jardin qui soit à lui, en pleine propriété, c'est peut-
 
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être le moyen de retenir aux champs le paysan qui
sort du régiment ».
Nous tenons donc tous plus ou moins au sol par
une multitude de choses et la terre a toujours exercé
sur le paysan une influence qu'on ne sait définir.
Cette influence qui vient de très loin, réside,pour ainsi
dire, au fond de son être ; elle ne s'explique pas et
qui a traversé les siècles sans se laisser intimider ni
entamer par les révolutions.
Pour le paysan, l'homme qu'on respecte et pour
lequel il ôte sa casquette en passant près de lui,
commence au propriétaire, quel qu'il soit. La pro-
priété pour lui, c'est la considération, la chose qui fait
que celui qui possède n'est pas le premier venu, mais
une portion du village, une parcelle plus ou moins
importante du cadastre, une personnalité qui peut un
jour devenir son propriétaire et avec laquelle il faut
compter. Les industries périclitent, les navires se
perdent en mer, les bêtes meurent par suite d'épidé-
mies,les valeurs en portefeuille peuvent être perdues,
volées, brûlées, réduites à néant par suite de coups
de bourse ou d'autres événements imprévus, tandis
que la terre ne passe pas, ne disparait pas ;- elle
ne saurait être volée, ni prise ; elle ne peut pas mourir
ni diminuer par suite d'opérations malheureuses.
Rarement stérile, toujours reconnaissante des soins
qu'on lui donne, comme une bonne mère, elle est
mêlée à la vie intime de celui qui la soigne et sait
l'aimer!...
C'est pourquoi le paysan tient à sa terre ; il y tient
par toutes les fibres de son être; La terre le fascine
 
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