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terre, un paysan parmi les paysans, et cette identité
de conditions eut toujours de bons résultats. Connais-
sant la vie des campagnes, ce prêtre, qui avait vu
souffrir les siens, dut comprendre mieux que tout
autre les peines et les soucis de la vie rurale, les
dures corvées sous les ardeurs d'Août au moment où
les gens du seigneur venaient toucher les dîmes. De
tout temps le recrutement du clergé s'est fait dans les
diverses classes sociales, parmi les serfs, les bour-
et les nobles. Les métropoles avaient des écoles
ecclésiastiques où étaient élevés les enfants de l'aristo-
cratie destinés au sacerdoce.Le clergé des campagnes
était choisi parmi les fils de paysans, parmi les petits
clercs (clericuli) qui remplissaient déjà les fonctions
d'enfants de chœur et,entretemps,recevaient du curé
les premiers éléments de latin et d'histoire, de gram-
maire et de dialectique, afin de pouvoir plus tard
être prêtres à leur tour. Ces enfants, qu'on appelait
oblats, quittaient leur village pour aller à la ville ou
dans une abbaye voisine, afin de compléter leur
instruction et subir les épreuves de théologie. Le
grand passe-temps de leur jeunesse était de recopier,
avec ses lettres et ses enluminures, un beau missel
« pour le jour ou ils recevraient les ordres. »(1)
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Jadis, lorsqu'un curé arrivait au village et prenait
possession du presbytère et de l'église, toute la po-
pulation était en liesse. On allait au devant de lui à
cheval et les jeunes gens, à son approche, tiraient
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(1) Abbé Morey op.cit.,page 8
   
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des salves en son honneur. Si le curé était pauvre,
les paroissiens l'aidaient à monter son ménage(1) On
créait même un impôt spécial pour subvenir à ses
premiers besoins.
Au début de leur installation, les curés bâtissaient
généralement leurs presbytères avec les deniers des
paroissiens, souvent même à leurs frais lorsqu'ils
étaient riches et que la paroisse n'avait plus de
ressources suffisantes.
Divers inventaires, dressés au moment de la prise
de possession d'une cure, nous ont fait connaitre la
situation exacte du curé de campagne du vieux
temps.
Il n'était pas fonctionnaire de l'Etat et vivait uni-
quement des revenus de sa cure. Presque toutes les
paroisses possédaient alors des propriétés dont les
curés étaient usufruitiers et que, sous aucun prétexe
ils ne pouvaient vendre, ni aliéner. Il leur était même
défendu de donner à ferme aux paysans les terres
appartenant à l'église, de sorte que le curé était en
même temps propriétaire, cultivateur, forcé de faire
valoir lui-même ou par des gens, les terres qui lui
étaient confiées.
« Hinemar recommande à ses curés, lorsqu'ils ont
rempli leur ministère, d'achever leur matinée en allant
voir leurs terres et leur labour. Ad opus rurale et
quod tibi competit excat Jeyunus(2)
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(1) Abbé Morey, op. cit., page 53.
(2) L,'Eglise et les Campagnes au Moyen-âge par G.-A. Prevoost, page 25.
 
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