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Au moyen-âge, la maison du curé de campagne
avait l'aspect d'une petite ferme:« Le curé ne va pas
à la charrue, parce que ses paroissiens sont tenus par
l'usage ou les conventions de lui donner une, deux
ou trois corvées pour les semailles de printemps et
d'automne, de faire ses charrois au temps du foin,
de la moisson ou des vendanges. » Cette redevance,
ou corvées fait partie des droits curiaux. Mais com-
bien ne les paient pas ! Combien font le travail à
moitié et labourent de travers ! Aussi, dès le xve siècle,
trouvons-nous dans la plupart des presbytères
un domestique remplissant les fonctions de garçon
de ferme et faisant ce que les paroissiens font mal ou
refusent de faire(1).
Entrons donc dans un de ces vieux presbytères.
L'intérieur, très propre, ressemble un peu aux ma-
noirs de ferme. Une cuisine qui sert en même temps
de laiterie et de buanderie où s'étalent des plats,
quelques assiettes en étain, des marmites de cuivre,
une poêle à frire, un chaudron, des écuelles en terre
cuite, des brocs pour la bière, une pelle, un grappin,
un réchaud avec un fer pour la confection des hosties,
constituent la batterie de cuisine. Le seul objet qui
indique dans divers inventaires du Xve siècle un luxe
de l'époque et des habitudes un peu supérieures à
celles des paysans, c'est un moutardier(2).
La seconde pièce, plus confortable, sert de salle à
manger, de chambre à coucher et de cabinet d'étude.
Une armoire ou un coffre, en bois sculpté, contient
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(1) Abbé Morey, op. cit. page 54
(2)Abbé Morey, op. cit. page 53
   
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de linge, un autre coffre plus petit où sont renfermés
des parchemins, des titres de propriété et quelques
objets précieux : c'est le chartrier de l'Eglise où le
curé, renferme une partie des archives. Au milieu,
une table en noyer ou en chêne, massive et lourde,
avec quelques sièges en bois ; dans un coin, un large
lit en serge rouge ou verte, avec les cussins et ses
chevenets, en étoffe verquelée ou ramager d'un côté(1),
complètent l'ameublement de la cure rurale.
Sur les murailles s'étalaient parfois des images
pieuses ; des statuettes de saints sculptées souvent par
le curé lui-même pendant les longs soirs d'hiver.Une
planchette, située au-dessus du lit et sur laquelle sont
rangés quelques manuscrits ; des exemplaires du
bréviaire diocésain, une bible naïvement enluminée,
des mandements de l'Evêque, un martyrologe, les
homélies des pères, tout cela écrit de la main du prêtre
pendant le cours de ses études, tenait lieu de biblio-
thèque.
Il y avait encore une chambre contenant générale-
ment deux lits - meublée très sommairement et des-
tinée à loger les visiteurs. - Les autres pièces de
l'habitation étaient le plus souvent encombrées de
blé, de fèves, de paille et autres céréales provenant
des dîmes. Les redevances en poulets et autres vola-
tiles étant très abondantes,dispensaient le curé d'avoir
une basse-cour. Deux chevaux pour les voyages et les
labours, deux vaches et quelques porcs, des moutons,
dont la laine était employée à faire de la serge et des
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(1) D. Martine, Thesaurus anecdotorum, T. IV, col. 806.
   
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