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Cette clause de droit canonique a fait partie jusqu'ici
de notre législation moderne(1).
Au moyen-âge, le prêtre devait donc être grave,
désintéressé et dévoué envers ses paroissiens. Mais,
dans la vie du curé de campagne, il existait un
obstacle assez difficile à surmonter et pour lequel il
fallait beaucoup de tact et de délicatesse, afin de ne
pas abaisser la dignité du sacerdoce : Ce sont les
rapports du curé avec les seigneurs, sa manière de
faire envers le puissant et redouté personnage, de
façon à vivre en bonne intelligence avec lui et de ne
pas brouiller le château avec l'église.
Il serait curieux de savoir quelle était la situation
du curé vis-à-vis de son seigneur,et, réciproquement,
du seigneur vis-à-vis du curé. Le pouvoir civil voudra-
t-il dominer le pouvoir religieux ou bien le prêtre se
considérant comme le représentant de Dieu, fera-t-il
résistance aux prétentions du puissant châtelain.
L'humble clocher s'humiliera-t-il devant le fier donjon?
Dans beaucoup d'endroits, le seigneur semble trai-
ter comme un inférieur le curé de campagne, qui
souvent est l'enfant d'un vassal ou d'un pauvre serf.
Un évêque d'Orléans déplore la situation de cer-
tains prêtres pauvres. Il se plaint que les « Laïcs» se
servent des prêtres comme de valets et se refusent à
les recevoir à leur table(2).
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(1) Code civil art 909.
(2) D'Achery, Spicilégium, tome 1, page 112
   
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Un autre prélat, Agobard, archevêque de Lyon, se
plaint également de cet abus. Il est vrai qu'il s'agit
ici de chapelains particuliers ou de prêtres faisant
partie d'oratoires ou de la chapelle privée du seigneur.
Tout fait supposer que les mêmes abus se soient pro-
duits envers les curés de paroisses. L'archevêque de
Lyon « déplore cette coutume impie qui s'est généra-
lisée, qu'il n'est presque personne avide de distinc-
tion et étant parvenu à s'élever tant soit peu, en
honneur et en gloire temporelle, qui ne veuille avoir
un prêtre attaché à sa maison, non pour lui obéir
mais pour en obtenir, à tout propos, une obéissance
licite ou même illicite, non seulement pour le ser-
vice divin, mais encore pour les choses humaines.
Quand ils veulent, faire ordonner des prêtres, ils
nous prient ou même nous adressent des ordres en
nous disant : ,j'ai un misérable petit clerc, clericionem
que j'ai élevé pour moi du nombre de mes serfs, de
mes bénéficiers, ou de mes paysans. Je veux que
vous l'ordonniez prêtre pour mon service... C'est
pour avoir leurs prêtres propres et déserter les
églises, les sermons et les offices public(1) ».
Déjà en 1080, le Concile de Lillebonne réglemente
ce que le noble ou le seigneur pourra exiger du curé.
Ce dernier ne pourra être requis à aucun service
particulier, à moins que ce service ne consiste simple-
ment à porter un message spécial pour le seigneur. Le
curé porteur du message devra s'arranger de façon à
être de retour le mème jour et à ne pas négliger ses
devoirs de prêtre. Toutefois le seigneur pourra exiger
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(1) Thomassin op. cit. Tome II, page 322.
   
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